vous regardait-on aussi avec des yeux ronds ?
Quand j'étais enfant j'allais à la “petite“ école juste en face de chez moi et son directeur s'appelait Marcel Hardy. Sa fille unique, qui me considérait un peu comme le petit frère qu'elle n'avait pas, s'appelait… Françoise.
Quand pour la première fois j'ai entendu “Tous les garçons…“ chanté par Françoise Hardy, je ne me souviens plus si j'ai pensé que c'était la mienne qui passait à la radio (on avait le droit d'être naïf à cet âge et à cette époque) mais j'ai tout de suite adoré cette fille si douce : l'opposé de ma “sœur“ de 15 ans, très autoritaire.
Mes parents n'avaient pas de tourne-disque, Mr Hardy est mort en 63, Françoise est partie et je suis retourné à mes jeux d'enfants sans plus me préoccuper des chanteuses… jusqu'à cette soirée de fin 65, où j'ai succombé aux charmes de FH en la voyant chanter “L'amitié“. Mais j'ai déjà raconté l'anecdote dans la rubrique “vidéos“.
A partir de ce moment je suis devenu fan et… me suis senti isolé car mes petits camarades adoraient Sheila ou Claude François. J'avais l'impression que j'étais seul à aimer Françoise, ne me demandant pas comment elle pouvait continuer à chanter si j'étais le seul à qui on offrait ses disques !
Quand on me demandait “Quelle est ta chanteuse préférée ?“ je rougissais très fort d'abord et avouais que j'aimais cette fille qui n'avait pas de voix, qui était fière et hautaine (n'avait-elle pas oublié d'embrasser une petite fille qui lui avait apporté des fleurs ?). Dans le contexte de l'époque, du moins je l'analyse ainsi maintenant, la chanson était l'art populaire par excellence et il était mieux vu d'avoir vendu des bonbons ou élevé 12 frères et sœurs…
A partir de 66 FH est devenu une femme superbe, sa beauté était plus proche de celle d'une actrice ou d'un mannequin. Ses choix vestimentaires très audacieux donnaient d'elle l' image d'une femme libre et libérée : sexuée quitte à déplaire à certain(e)s. J'ai beaucoup d'articles de journaux italiens et, jusqu'en 65, ils la considéraient comme l'étudiante timide, “voce d'angelo“ un peu la pauv' fille et dès l'apparition des mini-jupes, du cinéma (Grand Prix), leur vision fut tout autre !
Ses propos aussi détonnaient avec ceux des petites filles de français moyens : quand on relit ses interviews ou que l'on revoit des images télé, c'est sa lucidité et son intelligence des choses qui la différenciaient vraiment. Elle était adorée ou détestée comme personne. Je pense que son trait de caractère qui consiste à se dénigrer vient de là : elle anticipe les critiques pour ne plus avoir à les subir.
Les adolescents devaient bien sur se reconnaitre plus que les enfants dans ses chansons mais les critiques, même si elles m'atteignaient, n'étaient jamais finalement que des “compliments“… et aussi quel plaisir que d'avoir une passion qui semble exclusive, compensée par les innombrables chansons et reportages qu'on pouvait avoir sur elle à l'époque.
A suivre…