Aujourd'hui, le figaro magazine complète et précise l'article du monde du 27 janvier dernier en mettant en parallèle les succès récents de Michel Delpech et de Françoise Hardy.... mais aussi en s'interrogeant sur la stratégie des maisons de disques visant à faire du neuf avec des vieux (sic).... tout en en profitant pour lancer du poil à gratter à destination de Michel Jonasz et d'Alain Souchon...
Donc bis repetita : Où va-t-on ?
Jérôme
Le Figaro Magazine
Le goût des autres
PAR OLIVIER NUC.
Publié le 16 mars 2007
Actualisé le 17 mars 2007 : 18h22
Une génération entière de chanteurs français ne sort plus que des albums de duos ou de reprises. Explications.
Michel Delpech, numéro un des ventes ? Non, vous ne rêvez pas, nous ne sommes pas revenus au milieu des années 70, époque bénie pour le chanteur, qui alignait les succès avec une belle régularité. Nous sommes en 2007, et si la silhouette s'est épaissie et le front dégarni, le répertoire n'a pas bougé. Ou si peu. Le disque avec lequel Delpech vient de réaliser ce petit prodige (200 000 ventes en deux mois) est un peu plus qu'une compilation et un peu moins qu'un nouvel album. C'est un objet mutant, comme on en voit de plus en plus dans les magasins de disques : un album de duos. Enregistré avec le concours d'autres chanteurs à succès (Alain Souchon, Cali, Julien Clerc), Michel Delpech & (AZ/Universal) a mieux relancé la carrière de son auteur que son dernier disque de chansons originales, paru en 2004. Il a ainsi côtoyé dans les classements le dernier Françoise Hardy, Parenthèses (Virgin/EMI), qui se présentait, lui, sous la forme d'une relecture de standards gravée aux côtés... d'Alain Delon, Alain Bashung ou Julio Iglesias.
Qu'est-ce qui pousse ces interprètes à enregistrer reprises et duos plutôt qu'à faire du neuf ? Panne d'inspiration ? Nostalgie ? Sollicitations de la part de maisons de disques en mal de bénéfices ? «C'est un projet qui m'a été suggéré par Virgin, mais je n'aurais jamais eu l'idée moi-même», affirmait Françoise Hardy à la sortie de Parenthèses. Les impressionnants scores réalisés par La Septième Vague (Ariola/ Sony-BMG) de Laurent Voulzy - sorti l'été dernier, cet album de reprises est la deuxième meilleure vente de 2006, derrière Diam's - ont sans doute encouragé la profession à favoriser ce type d'entreprise : «faire du neuf avec des vieux», pourrait-on dire. Les artistes concernés sont en effet majoritairement des baby-boomers ayant effectué leurs débuts dans les années 60-70. Michel Delpech a dû se laisser convaincre par le patron de son label avant d'y succomber. «Cet album de duos a été enregistré à l'initiative de Valéry Zeitoun. Je me demandais ce que j'allais en faire et puis, au fil du temps, j'y ai pris du plaisir et trouvé un intérêt artistique», explique-t-il.
Alain Chamfort, qui sort l'intégrale de ses enregistrements, n'a pas succombé à la contagion. Il avance une explication bien plus prosaïque à cette vague. «Passé un certain âge, on entre dans la catégorie "nostalgie" avec ses anciens tubes et il n'y a pas de passage en radio garanti pour de nouvelles chansons. Alors, il faut trouver un concept pour intéresser les gens. La logique actuelle des maisons de disques est d'imposer cela à tout le monde. Et puis, c'est plus facile de reprendre des standards que de s'ennuyer à faire 12 nouveaux titres !»
La question de la pertinence musicale paraît en effet passer régulièrement au second plan. On peut s'interroger sur le bien-fondé de la commercialisation d'un disque entier de classiques revisités à la sauce swing par Michel Jonasz (Chanson française, MJM/Warner), qui annonce deux autres volumes du même acabit, l'un consacré au blues, l'autre à la musique yiddish... Vous avez dit panne d'inspiration ?
Similaire en apparence, la démarche de Michel Fugain * est autrement plus créative. Ce compositeur et interprète a sollicité plusieurs de ses confrères afin de leur demander de lui écrire des textes. Manset, Aznavour, Le Forestier, Chedid, Sardou et d'autres ont répondu présent, faisant de Bravo et merci ! un joli exercice, conçu sous l'angle de la camaraderie plutôt que de la nostalgie.
Se reprendre en chantant avec d'autres et reprendre les chansons des autres est peut-être aussi une ruse de l'industrie musicale pour lui éviter de s'interroger sur les nouveaux modèles de commercialisation de la musique sans investir trop d'argent ni prendre de risques. C'est également un moyen de ratisser plus large : on s'adresse non seulement aux fans de l'artiste principal, mais aussi à ceux des intervenants. Ainsi l'inconditionnel d'Alain Souchon aura-t-il dû passer plusieurs fois à la caisse pour retrouver son artiste préféré : le dernier Françoise Hardy, le Delpech, mais aussi le conte musical de Louis Chedid, Le Soldat Rose, etc. L'interprète de Foule sentimentale n'a plus qu'à commercialiser un best of de ses apparitions sur les disques des autres ! On plaisante, mais qui sait si les responsables de sa maison de disques n'y ont pas déjà pensé...
* Bravo et merci !, Capitol/EMI.