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Les Francofolies et Éric Fottorino ont eu une très bonne idée. Ils ont ajouté au programme de La Rochelle quatre conversations avec des personnalités qui seront interrogées sur leurs goûts musicaux. Cette semaine donc, l'un après l'autre à partir de jeudi, ce sera à Fanny Ardant, François Hollande, Jean Teulé et Michel Houellebecq de raconter leur propre histoire musicale et leurs chansons françaises préférées. C'est que la chanson – surtout la chanson moyenne, celle qui n'a pas les prétentions de la grande musique ou de la haute poésie – s'est infiltrée dans l'identité de notre pays de la manière la plus gracieuse, la plus simple et la plus durable. Elle a créé un lien qui traverse les classes sociales.
La France de Françoise Hardy et de Joe Dassin
Aux grandes époques, disons jusqu'aux années 1990, les "variétés" s'entendaient partout, leur répétition à la radio pouvait être obsédante, mais elle renforçait une joyeuse sensation d'appartenance à une langue et à une sensibilité communes. On chantait le soir sur les plages, on sortait les guitares, on chantait dans la voiture tout seul au volant, on fredonnait sous la douche, on apprenait les refrains aux enfants. Et si on n'était pas doué, eh bien on faisait semblant, juste pour participer.
Aujourd'hui encore, ce ne sont pas Sartre et Beauvoir, ni Sarkozy ou Macron, qui représentent la France dans certains pays lointains, mais les compositions de Françoise Hardy et de Joe Dassin. Et le charme de retrouver, chantés par des voix étrangères, des airs archiconnus (même un peu niais, même un peu ridicules) fait partie des meilleurs souvenirs de voyage. Par un prodige qu'on n'a pas besoin d'expliquer, les paroles les plus tartes arrangées par un bon musicien et portées par une voix singulière transmettent quelque chose d'enfantin et d'immortel, d'humble et d'indémodable. Bien sûr, on en parle comme d'un art mineur, mais une chanson à succès relève d'un artisanat subtil et réveille des émotions qui rythment l'existence.
Mémoire collective
Il y a des chanteurs qui ont accompagné plusieurs générations avec d'innombrables succès (Aznavour est leur champion toutes catégories), d'autres ont été des comètes vite disparues laissant derrière eux une légère poussière d'étoiles et une ou deux chansons inoubliables. Qu'est devenu Jonasz? Son Dites-moi m'a poursuivie pendant des années. Qui chantonne aujourd'hui sur les airs d'Henri Salvador, pleins d'humour et de gentillesse? Je sais qu'on rigole encore avec les tordants refrains de Dario Moreno, Si tu vas à Rio ou Tout l'amour que j'ai pour toi. Nombre de mes amis entretiennent précieusement un recoin de leur cœur bourré de chansons héritées de leurs grands-parents et, depuis, revisitées par des interprètes plus jeunes, comme Mon amant de Saint-Jean, Paris s'éveille, J'ai deux amours, La Mer… Impossible de citer même approximativement tout ce qui a marqué la mémoire collective.
C'est pour cela que les choix des invités aux Francofolies ou les nôtres sont des révélateurs de personnalité. Mieux : des révélateurs d'histoires intimes. Tristesse, mélancolie, humour, cocasserie s'expriment, mélangés dans un désordre charmant. On peut d'ailleurs être gai en chantonnant une chanson triste, quelque chose passe toujours, différent pour chacun.
À Barbara le dernier mot : vos plus belles chansons d'amour, c'est vous.